«Une personne avec une croyance a autant de force que 100.000 personnes qui n'ont que des intérêts» John Stuart Mill

Les manuscrits de la Mer Morte

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Près de deux mille ans se sont écoulés entre le temps où les rouleaux de manuscrits furent déposés dans les grottes des collines désertiques bordant la Mer Morte et leur découverte en 1947. Le fait qu'ils surgissent après vingt siècles, qu'ils furent trouvés accidentellement par des bergers Bédouins, qu'ils sont le plus grand et le plus vieux corps de manuscrits relatifs à la Bible et au temps de Jésus le Nazaréen confère à la découverte archéologique un attrait véritablement remarquable. Depuis leur découverte, les Rouleaux de la Mer Morte ont suscité un grand intérêt du public et des érudits. Pour ces érudits, ils représentent une incomparable source pour explorer la réalité des temps messianiques et sonder les origines du christianisme. Pour le public, ils sont des documents de grand poids, et de mystère. L'intérêt de ces manuscrits s'est intensifié au cours de ces dernières années car la presse s'est fait l'écho du retard mis volontairement à leur publication, mais la polémique est étouffée afin de ne pas réveiller les querelles religieuses. Il ne faut pas oublier que c'est presque exclusivement des Dominicains et des Jésuites de l'École Biblique de Jérusalem qui ont la charge d'étudier et de publier ces fameux manuscrits parce qu'ils surent s'imposer en spécialistes des langues anciennes.

Les religieux de l'Ecole Biblique de Jérusalem étaient déjà sur les lieux et, en recherchant dans plusieurs grottes, ils trouvèrent d'autres jarres remplies de documents, cela jusqu'en 1955. Ils furent désignés pour les traduire et en assurer la publication, parce qu'ils étaient les plus compétents en langues anciennes.

Voilà ce qu'a dit un jour John Allegro, professeur à l'Université de Manchester, le seul spécialiste laïc qui ait eu accès à ces documents lorsqu'il faisait partie de l'équipe internationale en charge des manuscrits.

«Les savants qui ont étudié les Manuscrits de la Mer Morte n'ont jamais dit ce qu'il y avait vraiment dans le texte. En effet, ce sont des prêtres, surtout des Jésuites, et ils ont peur de ce qu'ils ont découvert. C'est plus sensationnel que ce qu'ils soupçonnaient. C'est une bombe qui ferait trembler les religions chrétiennes sur leur bases.»

Depuis 1980, aucune controverse n'a été plus vive qu'autour de cet accès restreint aux manuscrits et la stupéfaction est grande quant au retard dans leur publication. La demande par des érudits pour obtenir ce que la «Revue d'Archéologie Biblique» caractérise comme «la liberté intellectuelle et le droit d'accès aux érudits» a eu des aboutissements significatifs. En 1988, l'administration pour la recherche sur ces manuscrits, l'Autorité Israélienne des Antiquités, commençait à réduire le nombre d'affectations aux Manuscrits. En 1991, une version générée par ordinateur ainsi qu'une édition des photos de Manuscrits fut publiée par la Société Biblique d'Archéologie. Tard dans la même année, la Bibliothèque Huntington de Californie rendit les copies photographiques des manuscrits déposés dans sa cave disponibles seulement aux érudits, par protection. Les Américains Eisenman et Wise publièrent une partie des textes issus de la grotte 4, et Eisenman identifiait le "Maître de Justice" comme étant Jacques, le Mineur, frère cadet de Jésus, et le "Prêtre impie" serait le Grand Prêtre, Anne. Il soupçonnait Paul d'être "l'homme de mensonge" des fameux manuscrits. Mais le mystère persiste du fait du retard dans la publication des nombreux documents trouvés dans cette grotte 4, les plus attendus. Le scandale de la grotte 4 éclate dans les milieux universitaires anglo-saxons. De toute façon, bien qu'ils datent des temps messianiques, il n'y a aucune trace des Évangiles, aucune mention. Des apôtres, de Jésus ou de sa résurrection!

Puis, en 1992, le public français s'émeut. Dans La Bible confisquée, enquête sur le détournement des manuscrits de la Mer Morte, Michael Baigent et Richard Leigh (Plon éd. 1992) affirment que, "des 800 documents trouvés près de Qumran, on n'en connaît pas le quart. Voici 50 ans que les secrets de la plus importante découverte archéologique du siècle dorment dans les caves du musée de Jérusalem, car les membres de la très secrète Ecole Biblique de Jérusalem lâchent au compte-goutte des informations pourtant essentielles pour qui s'intéresse à la naissance du christianisme. Plus grave encore, l'interprétation officielle de ces documents relève de la langue de bois, comme si les évangiles étaient les seuls textes historiques fiables ! On parle du plus grand scandale universitaire contemporain. Non seulement la conspiration existe bien mais ces manuscrits recèlent surtout une nouvelle version des débuts du christianisme qui remet en cause la version latine du Nouveau Testament de St Jérôme (La Vulgate remontant à l'an 385).

Mieux qu'un simple pavé dans la marre, ce document comble un demi-siècle d'interrogations."
Le N°189 des Dossiers d'Archéologie, en janvier 1994, se fait l'écho de la polémique amplifiée par la grande presse internationale, à la suite d'enquêtes menées sur le détournement des manuscrits de la Mer Morte. La rétention des 3/4 des manuscrits par l'équipe chargée de les publier est un vrai scandale.

Le professeur Eisenman a fait depuis de nouvelles révélations. En 1996, le nouveau manuscrit qu'il publie est du même acabit que l'épître de Jacques qui dénonce une "langue de vipère". Il conclut que la religion chrétienne, depuis la fondation de l'Eglise des Chrétiens par Paul à Antioche en l'an 50, est l'inverse du courant originel des premiers apôtres. "C'est le reflet renversé de l'autre qui était nationaliste, juif, zélote, insurrectionnel et engagé contre l'oppression Romaine". Dans Les manuscrits de la mer Morte révélés, livre paru en France en 1997, Wise et Eisenman montrent que le christianisme naissant n'était pas une religion à visée universelle appelant à la soumission et à la résignation mais plutôt un mouvement juif appelant à la révolte contre l'injustice et opposée à l'ordre établi. Saul aurait été l'adversaire menteur qui ira jusqu'à s'allier aux Romains qui écrasèrent les Juifs et détruisirent le temple de Jérusalem. Considérant les anciens apôtres comme ses ennemis, Paul écrit contre ces rebelles : IIe Cor. XI, 16 - Gal. II, 4 - Eph.V, 6 - Romains VI, 2 - Phil. I, 15-27 - Phil. III, 2 - Ie Thes. II, 15... Les rivalités ou les dissensions sont l'objet principal des épitres qui nous sont parvenus. D'ailleurs, les disciples étaient prévenus qu'il viendrait de faux Messies et de faux prophètes.

Depuis, les querelles et les controverses n'ont pas cessé.

Controverse sur l'appartenance de Jésus à la secte.
C'est un autre regard sur la Bible et sur le christianisme primitif qu'apportent ces textes.
Cette découverte remet-elle en question des dogmes religieux ?
Qu'en est-il d'une conspiration du Vatican pour cacher ou détruire ce qui ne serait pas dans la ligne de la doctrine catholique ?
Le Rouleau de cuivre fournit-il des indices sur des trésors cachés, s'agit-il du trésor du temple ?
Les Rouleaux font-ils référence à un persécuté ou à un messie souffrant ?
Ces Esséniens ne s'appelaient-ils pas aussi les "pauvres" (Ebionites), et les "saints" ?

Jésus était-il un maître essénien ?

Laissons la question du rouleau de cuivre (découvert en 1952 et découpé soigneusement par EDF en 1997) aux chercheurs de trésor. Le texte gravé dessus en hébreu contient l'énumération de 64 cachettes recélant au total un fabuleux trésor : des vases précieux, des objets de culte en or et en argent, et des vêtements sacerdotaux, trésor que l'on attribue au temple de Jérusalem détruit en 70 ap .J-C...

Revenons à nos manuscrits en peau de chèvre. La révélation la plus importante a été certainement celle de la similitude entre l'essénisme et le christianisme naissant. Qumran était une communauté essénienne, secte juive contemporaine des débuts du christianisme. Les emprunts que les évangiles et les actes des apôtres font aux textes esséniens sont innombrables. Intrigante est la véritable identité du personnage dont le nom ne pouvait être prononcé et qui était connu sous l'appellation de "Maître de justice". Il fut l'organisateur de la communauté essénienne et rédigea peut-être lui-même la Règle, le Manuel de discipline et les Hymnes; il fut persécuté par "le prêtre impie" et périt de mort violente; envoyé chez les Juifs pour leur faire entendre le langage des prophètes, il fut sans cesse traqué et, trahi par un des siens, il dut rejoindre son pays d'origine. Il est aussi question d'un adversaire, une "langue de vipère", "l'homme de mensonge" ; cela ne vous rappelle-t-il pas quelque-chose ? Le Maître Jésus, Judas le traite, le grand prêtre Caïphe, et l'adversaire à la langue venimeuse, Saul (Paul) ?

Pour l'historien catholique spécialiste du christianisme primitif, le Jésuite Jean Daniélou, « Cette découverte est la plus sensationnelle qui ait jamais été faite. Mais le messie essénien n'a rien à voir avec Jésus.» (Cf. Les Manuscrits de la Mer Morte et les Origines du Christianisme, 1957, page 123). Ses recherches l'ont conduit à écrire une Nouvelle Histoire de l'Église avec ces remarques capitales :
« L'Église primitive, exclusivement juive, joue un rôle décisif jusqu'en 70 (chute de Jérusalem); c'est une vérité historique que nous masquent les documents officiels et qu'il importe de rétablir.» (T.1 Ch.1). Que s'est-il passé ensuite ?

LA CRISE DU JUDEO-CHRISTIANISME

Ceci concerne "la division" entre les Juifs du parti de Jacques et les pagano-chrétiens de celui de Paul, l'apôtre autoproclamé de la lettre aux Ephésiens : « Luc présente le point de vue de Paul. Or, le parti de Jacques est celui avec lequel Paul n'a cessé d'être en conflit (Gal, II,12). Comme il a finalement disparu après 70, le souvenir s'en est effacé. Mais cet effacement fausse l'histoire des origines chrétiennes ». (Nouvelle Histoire de l'Église par J. Danielou et H. Marrou, Éditions du Seuil, 1962, T.1 ch.3 p.37) - « A terme, on aboutira à un renversement de la situation. L'Église primitive s'effondrera en 70 et le pagano-christianisme paulinien entamera sa destinée triomphale.» (Idem p. 59). Dans ses recherches, le Père J. Danielou a fait des découvertes qu'il n'a pas osé publier. On apprend pourtant que dans les compositions rédigées par ordre de Constantin des textes consacrés au bouc émissaire de l'Ancien Testament (Nombres VI) ont servi pour réécrire la Passion du Christ. Le bouc était sacrifié par le prêtre nazaréen pour la rémission des péchés. - J. Danielou, "Théologie du Judéo-christianisme" (p. 112 à 114).
Que disent les manuscrits sur les origines du christianisme ?

La similitude entre les Esséniens et le christianisme primitif est si frappante qu'Eusèbe de Césarée pensait que la description qu'en donnait Philon concernait la communauté judéo-chrétienne primitive. Les Esséniens se considéraient comme le dernier reste d'Israël, dénonçant la corruption et l'impiété de l'aristocratie sacerdotale en charge du Temple (pharisiens). Paul élève de Gamaïel, rabbin pharisien, appelle ces adeptes de la Nouvelle Alliance les pauvres (ébionites) ou les saints. Exactement les termes esséniens ! Ils auraient été un ordre initiatique relié à d'autres au Moyen-Orient. Selon Philon d'Alexandrie, leur confrérie comptait plus de 4000 membres. Le livre des Actes dénombre le même nombre de Juifs convertis à cette époque. Ces Fils de la Lumière se préparaient à une guerre sainte contre les Romains, et ils connurent une fin apocalyptique. Exactement ce que Flavius Josèphe en dit avec la chute de Jérusalem, en l'an 70 ! Le document qui prouve le lien étroit entre essenisme et christianisme, juif à l'origine, est intitulé: "Écrit de la Nouvelle Alliance au pays de Damas". Ce Document de Damas est le même qui avait été découvert en 1896 dans une sinagogue du Caire par Solomon Schechter, premier manuscrit essénien découvert témoignant de cette secte dissidente juive, bien avant ceux de la Mer Morte. Il est sans doute à l'origine de l'hypothèse d'après laquelle Jésus aurait été un Maître Essénien qui aurait été instruit à l'école du Carmel. Inscrit à l'âge de 6 ans sous le nom de Joseph pour être préparé à sa mission de Fils de Dieu, il serait la réincarnation d'un autre Fils de Dieu, Zoroastre. Cette thèse, soutenue en 1937 par H. Spencer Lewis, s'appuie sur des documents de la Fraternité rosicrucienne et n'est pas fondée à partir de ce qui est aujourd'hui connu des manuscrits de la Mer Morte où il n'y a aucune mention de Jésus, fils de Marie.

- "La Vie Mystique de Jésus" de H. Spencer Lewis, fondateur de l'AMORC (Ordre de la Rose-Croix). Pour le reste, relativement à "l'enseignement secret de Jésus", les évangiles rapportent des phrases allusives réservées à ses seuls disciples: Matt. XII 11, Marc IV 11, Luc VIII. Aux autres, Jésus ne parlait que par paraboles. - "Les Doctrines Secrètes de Jésus", H. Spencer Lewis, Éditions Rosicruciennes.

Pour ce qui est de Jésus assimilé à un Essénien selon les Rouleaux "secrets" de la Mer Morte, on avait spéculé sur ce fait depuis des siècles, donc avant la découverte des rouleaux, mais Dupont-Sommer et Massey ont argué le fait que certains des enseignements présumés de Jésus étaient en contradiction ou encore inconnus de la doctrine des Esséniens (les Esséniens n'ont pas cru en la résurrection des corps, ni en un Dieu fait chair ; ils n'ont pas mentionné le nom de Jésus) et il demeure difficile d'identifier le "maître de justice" mentionné par ces écrits à Jésus. Voyons ! Si ce Messie était de sang royal, est-il si bizarre que son nom n'apparaisse pas une seule fois, dans le contexte de l'époque ? C'est un surnom (Jésus signifiant Sauveur) qui lui aurait été donné par la suite. De même que le terme essénien, secret, n'est pas mentionné. Rien d'étonnant à cela ! Les évangiles dont nous disposons ont été écrits bien plus tard selon le corpus initial qui a disparu.

La liste des nombreuses similitudes entre le Maître des "Esséniens" des écrits de la Mer Morte, antérieurs d'un siècle aux plus anciens textes évangéliques, et la figure de Jésus est troublante, (par exemple dans ces écrits testamentaires publiés à la Pléïade, il est mentionné 12 disciples dont 3 prêtres; on pense à Pierre, Jacques et Jean). S'il est par ailleurs mal perçu par les Religieux que le "Maître de Justice" et "Messie" de Qumran soit une figure mythique d'une telle ressemblance avec celle de Jésus-Christ, cela pourrait être dû au fait que les évangiles canoniques ne sont pas des témoignages historiques mais des légendes inventées d'après une source Q. - (Massey, Christianisme gnostique et historique.) -


En dehors des textes de l'ancien testament les rouleaux contiennent des textes dits sectaires du plus haut intérêt. Les Esséniens et les Nazaréens ou Nazarites (de nazir = prêtre) ont tout fait pour sauver ceux-ci et les écritures judaïques en leur possession avant la fin, qui eut lieu en l'an 70. Ils laissèrent 1200 pièces de monnaie sur place, l'argent n'étant pas une priorité. Comme les Zélotes, ils étaient très attachés à la Loi mosaïque, ce qui est aussi le cas de Jésus (selon Matthieu), et Pierre, Jacques et Jean étaient encore assidus à fréquenter le Temple, selon le livre des Actes (de Luc). Des parallèles troublants existent entre eux et la première communauté de chrétiens de Judée. Si cette communauté judéo-chrétienne n'avait pas disparue lors de la chute de Jérusalem, puis, si elle n'avait pas été remplacée par la religion de Saul-Paul, opposée quant à la Loi et à l'esprit, on devine que les similitudes seraient encore plus flagrantes. C'est Paul qui libère les chrétiens de la Loi ! Son nom n'est pas prononcé dans certains épîtres des Apôtres alors qu'il est question de lui comme étant l'adversaire.

Les Esséniens observaient rigoureusement la Loi, avec les idéaux de pauvreté et de charité. C'étaient des dissidents, opposés aux chefs du Temple, mais se disaient le peuple élu, le vrai Israël. Il est question d'un Messie, roi et prêtre, du "serviteur souffrant" en référence à Isaïe, et c'est là que la vie de Jésus interfère. Les Hymnes (écrits à la première personne) auraient bien pu être l'œuvre du "serviteur souffrant" tant attendu, de celui qui a souffert pour le compte de la communauté des saints. Les rouleaux contiennent en outre des commentaires de la Bible hébraïque, des Prophètes, en particulier celui d'Habaccuc dont Paul fait usage pour la justification par la Foi. On se demande encore ce que fut réellement son chemin de Damas !

Les similitudes entre l'essénisme et le judéo-christianisme primitif sont si frappantes qu'elles l'éclairent et passionnent tous ceux qui s'intéressent aux origines de l'Église chrétienne. Jean baptisant Jésus dans le Jourdain accomplit le rite essenien de purification. Les Esseniens étaient très pieux et pratiquaient le repas fraternel en commun. Persécutés par les Sadducéens et par les Pharisiens, les Esséniens se réfugièrent à Damas en 130 avant notre ère, puis regagnèrent la Judée pour s'établir à Qumran, au bord de la Mer Morte, en 60 avant notre ère, sous la protection des Romains. Berceau du christianisme, leur site fut rasé durant la révolte juive de 66 à 69, et ces pauvres durent s'enfuir à Pella, en Arabie, de l'autre côté du Jourdain.

Il y est aussi question de Menahem, le "Consolateur" promis par ce Messie Fils de Dieu, appelé aussi "Paraclet", ou "esprit de vérité"dans l'évangile de Jean XIV, 16. (cf. page 2) Les Esséniens sont-ils assimilables aux Judéo-chrétiens du parti de Jacques ?

Récemment, la polémique rebondit à propos de la thèse exposée par Israël Knohl dans son livre : L'autre Messie (Albin Michel éd.). Directeur du département biblique de l'Université hébraïque de Jérusalem, son point de vue juif lui permet de faire remarquer que Jésus n'est pas le seul Messie d'Israël, et de mettre à jour l'existence de Menahem, l'autre Messie ou Paraclet dont il est question dans les fameux manuscrits. Ce Paraclet (Messie) annoncé par Jésus comme le Consolateur (sens du nom Menahem) dans l'Evangile selon Jean, est aussi mentionné par Luc parmi les prophètes venus fonder la communauté d'Antioche . Mais, on ne sait pourquoi, I. Knohl fait venir Menahem avant Jésus. Si Paul et Barnabé lui reconnaissent une grande autorité c'est qu'il est associé à l'"esprit de vérité". On conçoit qu'il ait pu être "l'autre Paraclet" dont parle Jésus, consolateur des affligés et rédempteur tel le "Serviteur souffrant" d'Isaïe 53, ce qu'on retrouve justement dans les Hymnes. Mais si cet "esprit saint" est assimilé à Menahem, celui qui mena la révolte juive quelques temps après la mort de Jésus, le mystère du Saint-Esprit s'éclaircit, et l'on devine que la naissance de Jésus par l'opération du Saint Esprit cache une vérité plus "réelle". Suivant l'évangile, Jésus a eu 2 sœurs et 4 frères ; il était l'ainé et il semble que son père soit mort lors de la révolte du recensement. La "vierge" marie n'est pas restée vierge longtemps. De plus, les fameux "anges" sont peut-être des messagers, des jeunes gens qui sont employés pour faire circuler le courrier parce qu'ils courent vite et qu'on peut leur faire confiance pour acheminer les messages divins. Il ne faut pas oublier que la Fraternité essénienne fonctionne comme une société initiatique qui confère une initiation à des connaissances selon une tradition orale secrète très ancienne. La science essénienne est ésotérique et spéculative. Les grands initiés ont développé des pouvoirs spéciaux. On imagine mal la secte répandant son enseignement à la foule, d'où les réserves de Jésus envers la foule et ses avertissements à ses compagnons pour qu'ils tiennent leur langue.

La «cascade de bouleversements» que devait entraîner cette découverte fabuleuse n'a pas eu lieu du fait du mutisme des uns, du désintéressement des autres et peut-être que tout n'a pas été publié. Le Rouleau de cuivre contenant des indications sur les cachettes utilisées à l'époque pour sauver le trésor du Temple a intéressé plus de gens ! Comme par hasard, c'est notamment dans la grotte 4 que se trouvaient, parait-il, les rouleaux détériorés et les fragments, ceux justement des fameux textes sectaires qui nous manquent. Mais, par contre, ce travail de publication a donné l'occasion aux Biblistes de sortir de nouvelles versions de la Bible. Depuis une décennie, de nouvelles rééditions et traductions de la Bible sont en vente, assorties de nouveaux commentaires des exégètes qui ont étudié les fameux manuscrits : les retouches sur le christianisme primitif sont sélectives pour ne pas perturber la foi. (Janvier 2002).

D’après Massey, ce sont les Gnostiques "païens" – incluant des membres Esséniens ou Thérapeutes et des confréries Nazaréennes, entre autres – qui amenèrent en fait à Rome les textes ésotériques gnostiques contenant le mythe, sur lesquels se basèrent les nombreux évangiles, incluant les quatre canoniques. Wheless dit que "les Évangiles et autres livres du Nouveau Testament, écrits en Grec et citant 300 fois les Septante Grecs et plusieurs auteurs païens Grecs, comme Arathus et Cléanthe, furent écrits non pas par des paysans juifs illettrés mais par des Pères et des prêtres ex-païens de langue Grecque loin de la Terre Sainte des Juifs." Mead affirma : "Nous pouvons en conclure que les originaux de nos quatre Évangiles furent probablement écrits en Égypte, sous le règne d’Hadrien." Certainement à Alexandrie, carrefour des religions. D'ailleurs, des manuscrits gnostiques furent découverts à Nag Hammadi, en Haute-Egypte, en 1945. Lire, par exemple: Les Manuscrits de Nag Hammadi, Dossiers d'archéologie, n° 236, septembre 1998.

En outre, Wheless montre qu'on peut trouver une grande partie du mythe de «Jésus-Christ» dans le Livre d'Enoch, antérieur de plusieurs siècles à l'apparition supposée du maître juif - Wheless, op. cit., pp. 85-87. - Dans une perpective comparable, un ouvrage récent, - GRUNBERGER Béla, DESSUANT Pierre, Narcissisme, christianisme, antisémitisme. Étude psychanalytique, Actes Sud, coll. Hébraïca, 1997, 487 p., rappelle une fois de plus, du point de vue d'un judaïsme orthodoxe, les multiples incohérences et invraisemblances du récit évangélique, alors même que ses auteurs s'imaginent bien naïvement avoir affaire avec le personnage de Jésus-Christ à une figure historiquement avérée !


Publication des fameux manuscrits

"Soixante ans avant J-C, un Maître de Justice prêcha la doctrine du Christ et fut crucifié comme lui"

... à moins d'une erreur de datation... qu'en savons-nous aujourd'hui ?

En mai 1950, alors que la fouille de Qumrân n'était pas commencée et que les morceaux de manuscrits de la grotte 4 dormaient encore dans la poussière des siècles, une communication présentée à l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres par André Dupont-Sommer, professeur de langue et civilisation sémitiques à la Sorbonne, avait produit l'effet d'une bombe en annonçant que le Maître de Justice de la Fraternité essénienne apparaissait comme un prototype de Jésus. A. Dupont-Sommer s'appuyait sur les premiers textes connus: la Règle de la Communauté, le Commentaire d'Habacuc, l'Ecrit de Damas. Il les attribuait aux Esséniens. Dupont-Sommer soulignait une continuité de pensée et de doctrine entre le Maître de Justice et Jésus. Comme Jésus, le Maître de Justice avait prêché la pénitencé, la pauvreté, l'humilité, l'amour du prochain, la chasteté. Il avait prescrit l'observance de la Loi de Moïse, rendue plus parfaite par ses propres révélations. Il avait été l'Elu et le Messie de Dieu. Objet de l'hostilité des prêtres et des Sadducéens,- il avait été condamné et mis à mort. Il reviendrait à la fin des temps. Ses fidèles attendaient son retour glorieux. Cette annonce provoqua une levé e de boucliers et une vigoureuse riposte des instances catholiques qui ne pouvaient admettre que soit ainsi remise en cause la singularité du Christ et son caractère unique. Dupont-Sommer reçut des menaces. Il fut ébranlé par la violence des attaques dirigées contre lui. Au fur et à mesure de la publication des nouveaux textes, il fut obligé de s'exprimer de manière plus nuancée. Il n'en reste pas moins que "la secte essénienne représente l'un des mouvements mystiques les plus élevés et les plus féconds du monde antique ; plus que tout autre mouvement dans le Judaïsme, elle a préparé les voies à l'institution chrétienne".

La première traduction en français d'une partie des manuscrits de la mer Morte avait été publiée, en collaboration avec André Dupont-Sommer, chez Gallimard (Col. La Pléiade), sous le titre : La Bible - écrits intertestamentaires.

Les chrétiens voudraient bien trouver des preuves qui renforcent leurs convictions alors que tout laissait prévoir de profonds changements. Le Pèlerin Magazine (n° 5798) affirmait de son côté en janvier 1994 que "plus des 3/4 des manuscrits trouvés dans les grottes avaient déjà été publiés, les textes encore inédits étant pour la plupart des fragments émiettés dont la publication ne saurait tarder." Comme on reprochait au cartel de religieux de ne publier les textes qu'au compte-gouttes, leur directeur, Emmanuel Tov, promit qu'ils seraient tous publiés avant 1997, mais il n'a pas tenu sa promesse. La rétention de ces documents par les Jésuites et les Dominicains de l'École biblique de Jérusalem, plus d'un demi-siècle après leur découverte, est un scandale dont toute la presse se fit l'écho.

25 décembre 2001 : "UN TRÈS GRAND MOMENT" (titre Le Monde).

"Après 54 ans d'attente, les manuscrits de la mer Morte sont enfin édités ! Les éditions Oxford University Press viennent d'annoncer aux Etats-Unis la publication des derniers volumes des manuscrits de la mer Morte. Découverts en 1947, mais écrits entre 250 avant J.-C. et 68 après, ces textes sont, malgré les demandes répétées des spécialistes de la Bible, restés longtemps monopolisés par une minorité de chercheurs. Aujourd'hui publiés, ils éclairent le judaïsme et le christianisme d'un jour nouveau.

"L'ensemble des trente-neuf volumes, présentés sous le titre général de Discoveries in the Judaean Desert, sera complet en janvier 2002, avec la sortie du dernier volume comprenant l'Editoduction et un index.

"Cette annonce, faite par le père Emmanuel Tov, professeur à l'Université hébraïque de Jérusalem et responsable de la publication, peut paraître anodine. Pourtant, elle clôt une longue saga archéologique entamée en 1955 avec la publication du premier volume de ces manuscrits écrits pour l'essentiel en hébreu entre 250 avant J.-C. et 68 après J.-C. Les péripéties et les lenteurs qui ont émaillé ces travaux de lecture et de transcription pendant quarante-six ans ont été qualifiées par Geza Vermès, professeur à l'université d'Oxford, de "scandale académique par excellence du XXe siècle".

« Après 54 années d'excitation, d'attente et de tribulations", les manuscrits de la mer Morte sont enfin édités : vingt-huit volumes consacrés à cette œuvre viennent d'être édités sous le titre Discoveries in the Judean Desert par Oxford University Press. Chaque volume comporte l'édition du texte hébreu ou araméen, la traduction en français ou en anglais et les photos des rouleaux, aussi disponible à la librairie catholique La Procure à Paris pour environ 4 270 euros (28 000 francs).» Un prix rédhibitoire ! Une autre façon de rendre le texte inaccessible, ou d'amasser des bénéfices.

Depuis une décennie, de nouvelles versions de la Bible sont en vente, assorties de nouveaux commentaires des exégètes qui ont étudié les fameux manuscrits : les retouches sur le christianisme primitif sont sélectives pour ne pas perturber la foi. La foi qui repose sur des mythes...

A signaler l'ouvrage traduit de l'anglais publié par Michael Wise, Martin Abegg et Edward Cook, «Les Manuscrits de la mer Morte» (Plon, 29 euros - Janvier 2002).

Ph.E.